Entrer dans l’atelier de Tomek Kawiak, niché au 8, chemin de la Tourache, 06130 Saint-Antoine de Grasse, c’est comme pénétrer dans le rêve éveillé d’un artiste. La lumière naturelle traverse les hautes fenêtres et éclaire des morceaux de métal éparpillés, des bronzes à moitié terminés, et une montagne de croquis. Dans l’air flottent des odeurs de métal fondu, de copeaux de bois… et de denim. Oui, de jeans. Car ici, même un vieux pantalon peut devenir une œuvre d’art.
Tomek, artiste franco-polonais né en 1943, nous accueille avec un grand sourire chaleureux. Autour de lui, tout respire la créativité : des livres d’art entassés, des outils suspendus aux murs, et des sculptures de jeans figées comme en plein mouvement. On est dans le laboratoire d’un magicien de la matière.
Les Rêves en Denim : Les Sculptures Iconiques
Parmi les œuvres les plus marquantes : Walking Jeans (1995). Une paire de jeans grandeur nature, moulée dans le bronze patiné, posée sur un socle. De loin, on croirait à de vrais vêtements. De près, on est saisi par la minutie : plis aux genoux, coutures, semelles des bottes… Chaque détail est figé avec précision.
Le denim, c’est la marque de fabrique de Kawiak. Il transforme les objets du quotidien – pantalons, poches, vestes – en sculptures monumentales. Il est même décrit comme l’inventeur de la sculpture portable en jean. Parfois, le métal poli imite un tissu usé, parfois il brille comme un vêtement neuf. Kawiak dit souvent que le jean est « un vêtement universel », et il en fait un symbole d’art.
Un autre coup de cœur ? Angel Jacket (2016) : une petite veste en aluminium argenté, avec des ailes délicates sur les épaules. Poétique et un brin surréaliste.
Des Trésors Cachés Dévoilés
L’un des moments forts de la visite, c’est la découverte d’œuvres rares, voire inédites :
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Bad Boy (2012) : une veste en bronze marquée “Bad Boy Tomek”, un clin d’œil à la jeunesse rebelle. (Découvrir l’article)
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Bunny in Jeans (2021) : un lapin géant en aluminium portant salopette et casquette, tenant une carotte. Drôle et tendre à la fois. (Découvrir l’article)
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Le Monument du Jean (2015) : une sculpture minimaliste, toute en finesse, célébrant le jean comme objet mythique. (Découvrir l’article)
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Elle attend son nouveau jean (1993) : une œuvre évoquée avec tendresse par l’artiste, pleine de poésie, même si elle n’est pas visible sur place (Découvrir l’article)
Chaque pièce semble raconter une histoire : celle du quotidien sublimé, d’une enfance revisitée, d’un monde imaginaire où les poches ont des secrets.
L’Alchimie Kawiak : Secrets de Fabrication
Comment naît une sculpture chez Kawiak ? D’abord, il travaille à partir de vrais vêtements. Il moule les formes en cire ou en argile, puis les transforme en métal. Ensuite, il applique une patine bleutée pour imiter l’effet du jean vieilli. Il m’a confié un petit secret : “La magie, c’est dans les yeux et les flammes.” Parfois, il chauffe les pièces au chalumeau, parfois il les plonge dans des bains chimiques pour vieillir la surface.
Dans un coin, je découvre aussi quelques briques signées de son nom – une autre de ses séries mythiques, “The Brickworks”, où il laisse des traces de son passage dans le monde entier sous forme de briques-souvenirs.
Une Couture de Merveilles
En quittant l’atelier de Grasse, le soleil du soir projette sur le mur l’ombre d’un pantalon géant – clin d’œil poétique à ce monde cousu de merveilles. Tomek me parle d’un futur projet : une installation géante Jeans XXL dans la nature. Il sourit : “Peut-être que la nature volera une poche ou deux.”
Plus qu’une simple visite, cette immersion chez Kawiak est une leçon de regard : voir l’extraordinaire dans l’ordinaire, transformer une poche en œuvre d’art, un pantalon en monument. Chez lui, tout est jeu, tendresse, mémoire… et un peu de magie en bleu.